Henri BAVA, Michel HÖSSLER, Olivier PHILIPPE Henri BAVA, Michel HÖSSLER, Olivier PHILIPPE © DR

Après une prime enfance passée en Tunisie, Henri Bava découvre à l’âge de sept ans la banlieue nord de Paris. Olivier Philippe, lui, séjourne pendant plusieurs années à Bombay. Michel Hössler, d’origine allemande, est un enfant d’Aubervilliers et de Saint-Denis. Tous trois revendiquent une multiculturalité qu’ils développeront dans leur pratique professionnelle et traduiront par des implantations à l’étranger, notamment en Allemagne depuis vingt ans.

Olivier Philippe étudie à l’Ecole spéciale d’architecture des jardins, puis aux Beaux-Arts, où il découvre le Land art. Il travaille avec Alain Marguerit et Alexandre Chemetoff. Michel Hössler et Henri Bava étudient la biologie végétale avant de rejoindre l’école du paysage de Versailles, où leur complicité se nouera dans l’atelier Le Nôtre de Michel Corajoud. Ils se trouvent participer – Hössler et Bava encore étudiants, Philippe dans l’équipe Chemetoff – au concours international du Parc de la Villette en 1982. L’approche conceptuelle des deux finalistes, Bernard Tschumi et Rem Koolhaas, travaillant la programmation et les usages comme éléments essentiels de l’urbanité, est pour eux une révélation.

Quelques années plus tard, ils s’associent dans l’agence Ter ; celle-ci compte aujourd’hui une quarantaine de personnes aux profils divers : architecture mais aussi paysage, horticulture, urbanisme, art et sciences... Parallèlement, ils enseignent à l’Ecole du paysage de Versailles, en dirigeant un atelier puis plus ponctuellement, et portent les valeurs de l’Ecole française du paysage (sous l’égide d’Alphand, Corajoud et Chemetoff) dans des universités à l’étranger. Dans les années 1990, Henri Bava et Olivier Philippe intègreront la première vague des paysagistes conseils de l’Etat. Par ailleurs, ils analysent leurs projets et démarches à travers plusieurs ouvrages. Ces paysagistes venus à l’urbanisme font du paysage et du sol le substrat du projet urbain. Ils ne craignent pas d’opérer à très grande échelle. Ils fondent leur méthode de travail sur des « codes source » issus de l’observation du territoire, et qui se répondent : le « sol vivant », les « épaisseurs », les « strates », les « flux », l’ « écosystème vertical », fondements conceptuels qui permettent la conduite d’équipes pluridisciplinaires (« open source »). Ainsi de la « Métropole verte » entre la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne (3 000 km2, 50 communes), qui s’appuie sur la géologie minière. Ils utilisent la coupe comme un outil essentiel de projet, à toutes les échelles, en analysant la ville comme un écosystème constitué de strates souterraines ou visibles.

En 1991, l’agence Ter remporte, avec l’agence Trace (Lille) un quartier de 400 logements à Kourou, et crée en Guyane un bureau permanent piloté pendant 15 ans par Michel Hössler. L’équipe réalise sa première étude stratégique, sur « l’Ile de Cayenne », dont certaines propositions alimenteront le Scot (schéma de cohérence territoriale) de la Communauté de communes du Centre Littoral. Plus connue est leur intervention sur le Bois habité à Euralille 2, avec François Leclercq, et avec l’appui de JeanLouis Subileau, directeur général de la Saem Euralille. Sur un site de friches cerné d’infrastructures, ils implantent un bois qui constituera l’horizon des habitants, de quelque endroit qu’ils se trouvent. Urbanistes coordonnateurs de l’équipe pilotée par Serendicité pour le compte de l’Etablissement public de coopération scientifique du Campus Condorcet, ils font du sol un vecteur d’échanges et diffusent l’espace public jusque dans les rez-de-chaussée des bâtiments universitaires. L’équipe prône la mise en place d’un « écosystème vertical », décliné notamment dans le projet de la place de les Glories, à Barcelone. Elle propose d’activer différentes strates : dans l’épaisseur du sol, dans le lien entre sous-sol et surface (gestion de l’eau), en surface (reconnexion de la vie urbaine avec la nature) et dans l’atmosphère (travail sur le climat).

Un large pan de son travail consiste à mettre en place des systèmes hydrauliques et à en faire des outils d’appropriation des enjeux par la scénarisation : dans le parc des Aygalades à Euromed 2 (avec François Leclercq encore), le parc inondable du Trapèze à Boulogne, le parc des Docks de Saint-Ouen, le parc du Peuple de l’herbe de Carrières-sous-Poissy. Une appropriation des enjeux également perceptible dans le Parc Garonne à Toulouse. L’équipe s’intéresse aussi aux relations entre métropoles et espaces ruraux, en considérant la campagne « non comme une seule variable d’ajustement de l’étalement urbain mais comme un élément vivant porteur d’avenir ». Le plan guide de la vallée de Vilaine (3 500 hectares situé au sud de Rennes) vise à remailler ce territoire, mais aussi à en coproduire le projet paysager, pour faire émerger une vision partagée du territoire.

Les 100 qui font la ville

Les 100 qui font la ville, un hors-série du magazine Traits Urbains